Données publiques

Bien que la notion de « donnée publique » soit employée pour désigner l'objet de la mise en œuvre de la politique d'ouverture des données dont les règles sont contenues dans le Code des relations entre le public et l'administration (CRPA), c'est la notion de « document administratif » qui demeure la notion-clé du droit des relations entre le public et l'administration. Les deux notions, auxquelles il faut ajouter la notion de « bases de données publiques », sont successivement présentées.

I. Documents administratifs

A. Notion de document administratif

1. Définition du document administratif
  • Lexique : Document

Le document est défini comme « a) tout contenu quel que soit son support (papier ou forme électronique, enregistrement sonore, visuel ou audiovisuel) ; ou b) toute partie de ce contenu ».

- Article 2, 6° de la directive n° 2019/1024 du 20 juin 2019

✍︎ Notion de document administratif

Tous les documents produits ou reçus par les institutions publiques d’enseignement supérieur et de recherche peuvent être considérés comme des documents administratifs.

La notion de document administratif est à la fois neutre et organique

Elle est neutre tout d'abord parce que cette notion n’est pas réservée à un type de document administratif ou à un type d’administration en particulier et elle n’est pas cantonnée à un support technologique spécifique. 

Elle est organique ensuite parce qu’elle renvoie à l’organe qui détient les documents : personnes morales de droit public ou de droit privé chargées d’une mission de service public. 

– A. Robin, Droit des données de la recherche. Science ouverte, innovation, données publiques, Larcier, Coll. Création, Communication, Information, 2022, n° 605, p. 438.

La notion de document administratif peut couvrir les documents contenant des connaissances scientifiques dès lors qu’ils sont produits ou reçus par les institutions ou établissements publics d’enseignement et de recherche et qu’ils répondent à la définition des documents administratifs achevés et existants.

2. Caractères du document administratif

a) Présentation des caractères

Pour être qualifié de document administratif, un document doit présenter : 

Notion de mission de service public

Une mission de service public est une mission d’intérêt général réalisée par une personne publique ou sous son contrôle.

L'activité exercée par une personne publique est en quelque sorte présumée être un service public dès lors qu'elle poursuit une activité d'intérêt général.

Il n’existe pas de définition objective de l'intérêt général. Cette notion relève de l'appréciation souveraine des pouvoirs publics seuls habilités, en principe, à créer des services publics.

Les personnes privées peuvent également avoir la charge d’une mission de service public au regard des critères cumulatifs définis par le Conseil d’État.

Les critères cumulatifs pour qu'une activité gérée par une personne privée soit reconnue comme une mission de service public sont les suivants :

  • assurer une  mission d'intérêt général. – Conseil d'État, section, 27 octobre 1999, n° 171169 : absence d’intérêt général pour la mission d'organisation et d'exploitation d'une activité de loterie par la société « La Française des Jeux ».
  • être sous le contrôle de l'Administration. – Conseil d'État, section, 23 mai 2011, n° 342520 : absence de contrôle.
  • être dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique. – Conseil d'État, section, 28 juin 1963, n° 43834.

Même en l'absence de prérogatives de puissance publique, une personne privée peut être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public selon un faisceau d’indices lorsqu’il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission selon : 

  • l'intérêt général de son activité,
  • les conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, 
  • les obligations qui lui sont imposées, 
  • les mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints.

Conseil d'État, Section, 22 février 2007, n° 264541

  • un caractère achevé : le droit d’accès et les obligations de publication en ligne ne s’appliquent, en théorie, qu’à des documents achevés. – Article L. 311-2 du Code des relations entre le public et l’administration. Les documents inachevés ou préparatoires à une décision administrative déterminée ne sont en principe pas communicables ou diffusables.
  • un caractère existant : le document doit déjà exister au jour de la demande. Dans le cas où le document administratif n’existe pas déjà au moment de la demande, il doit pouvoir être généré par un traitement automatisé d’usage courant. Ainsi, l’administration n’est pas tenue d’élaborer un document pour répondre à une demande ou de numériser un document dont elle ne dispose que sous forme « papier » pour le mettre en ligne. En revanche, la création d’un document peut être imposée à l’administration lorsqu’une obligation de publication implique la création d’un document ad hoc. Par exemple, les traitements algorithmiques et les documents produits dans le domaine environnemental (données de l'environnement) doivent être créés de manière ad hoc, pour répondre à l’obligation de publication soumise aux personnes qui les produisent dans le cadre d’une mission de service public.

b) Application aux données de la recherche

Les données de la recherche font l’objet d’une définition à part dans la Directive n° 2019/1024. En ce sens, elles constituent des données publiques d’un genre particulier auxquelles correspond d’ailleurs un principe spécial de diffusion et de réutilisation qui connaît des limites particulières tant pour ce qui concerne leur diffusion que leur réutilisation.

Néanmoins, en tant qu'elles sont le fruit d'une activité réalisée au sein d'institutions publiques, les données de la recherche sont considérées, par la CADA ainsi que par les juridictions administratives, comme des documents administratifs soumis au régime juridique des documents administratifs, des données publiques et des bases de données publiques (droit de communication, obligation de diffusion, droit de réutilisation). Les documents administratifs d'ordre scientifique doivent donc répondre à aux caractères du document administratif (lien avec la mission de service public, caractère achevé, caractère existant).

L'application de ces critères s'avère parfois délicate, notamment à l'endroit du critère d'achèvement de certains documents scientifiques.

B. Régime juridique des documents administratifs

Les documents administratifs sont soumis au régime d’ouverture prévu par l’article L. 300-4 du Code des relations entre le public et l’administration : « Toute mise à disposition effectuée sous forme électronique en application du présent livre se fait dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé ».  

Les documents administratifs répondent à deux régimes juridiques distincts :

- d’une part, au droit d’accès et, 

- d’autre part, au droit de réutilisation.

1. Diffusion des documents administratifs

Les données publiques sont en réalité soumises à deux principes différents, selon qu'il s'agit pour les personne de demander communication de documents administratifs ou qu'il s'agit d'engager les administrations dans la diffusion des documents administratifs, des données ou bases de données publiques. La diffusion est, dans certains cas, une obligation pour les administrations. - Article L. 312-1-1 du Code des relations entre le public et l’administration. Voir  Principe de diffusion des données publiques ; Limites au principe de diffusion des données publiques

2. Réutilisation des documents administratifs

Le droit de réutilisation suppose que les informations publiques figurant dans les documents administratifs ou publiés par les administrations puissent être réutilisées par toute personne qui le souhaite à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus. – Article L. 321-1 du Code des relations entre le public et l’administration. Voir Principe de réutilisation des données publiques ; Limites au principe de réutilisation des données publiques)

II. Données publiques

A. Notion de données publiques

La notion de « données publiques » ne fait l'objet d'aucune définition légale, la notion de « document administratif » constituant la notion-clé du Code des relations entre le public et l'administration. 

Toutefois, les notions de données publiques et de bases de données publiques sont parfois utilisées par le législateur qui en prescrit la diffusion, en particulier lorsqu'il s'agit d'en prescrire la diffusion à condition qu'elles soient mises à jour régulièrement et que leur publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental. - Article L. 312-1-1 du Code des relations entre le public et l’administration

La directive n° 2019/1024 du 20 juin 2019 ne définit pas les données publiques mais les « documents ». Le document est défini comme « a) tout contenu quel que soit son support (papier ou forme électronique, enregistrement sonore, visuel ou audiovisuel) ; ou b) toute partie de ce contenu ». 

- Article 2, 6°, de la directive n° 2019/1024 du 20 juin 2019

B. Régime juridique applicable aux données publiques

Les règles applicables aux données publiques prévoient l'obligation pour les administrations :

Data.gouv.fr

Data.gouv.fr est la plateforme ouverte et communautaire qui vise à centraliser et structurer les données ouvertes en France. Elle favorise la transparence et l’efficacité de l’action publique tout en facilitant la création de nouveaux services.

La Plateforme des données publiques françaises publie des informations sous forme de données numériques brutes. Elles peuvent être téléchargées et utilisées par tous de manière libre et gratuite.

III. Bases de données publiques

A. Notion de base de données publique

Les bases de données sont définies par la loi comme des « recueil(s) d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen ». – Article L. 112-3, al. 2 du Code de de la propriété intellectuelle ; Voir Droit des bases de données

Les bases de données publiques sont des bases de données produites ou reçues dans le cadre d’une mission de service public par une personne de droit public ou de droit privé chargée d’une mission de service public.

B. Régime juridique des bases de données publiques

Les bases de données publiques sont soumises aux mêmes règles de diffusion  et de libre réutilisation que les données publiques.

1. Principe de diffusion des bases de données publiques

Les administrations doivent diffuser les bases de données mises à jour de façon régulière, qu’elles produisent ou reçoivent et qui ne font pas l’objet d’une diffusion publique par ailleurs. Ainsi, les données mises à jour de façon régulière, dont la publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental doivent être diffusées en ligne dans des standards ouverts par les administrations. – Article L. 312-1-1 du Code des relations entre le public et l’administration ; Voir Principe de diffusion des données publiques ; Limites au principe de diffusion des données publiques

2. Principe de libre réutilisation des bases de données publiques

Toute personne peut réutiliser les données publiques contenues dans les bases de données communiquées ou publiées par les personnes publiques ou privées chargées d’une mission de service public. – Article L. 321-1, al. 1er du CRPA ; Article 2 de la Directive n° 2019/1024 du 20 juin 2019 concernant les données ouvertes et la réutilisation des informations publiques ; Voir Principe de réutilisation des données publiques ; Limites au principe de réutilisation des données publiques

La CADA, Commission d'accès aux documents administratifs

La Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) est compétente, conformément au livre III du code des relations entre le public et l'administration, dans les domaines suivants :

  • La communication des documents administratifs,
  • L’accès par dérogation aux archives publiques,
  • La réutilisation des informations publiques,
  • Le refus de publication en ligne des données par les administrations.

Les avis rendus par la CADA sont susceptibles de recours devant les juridictions administratives. Ces litiges doivent être portés en premier ressort devant le tribunal administratif dans le ressort duquel a son siège l’autorité qui a pris la décision de refus.

À la différence des jugements en matière d’accès à des archives publiques ou relatifs à des décisions défavorables en matière de réutilisation d’informations publiques, le jugement rendu par le tribunal administratif en matière de communication de documents administratifs ne peut pas faire l’objet d’un recours en appel devant la cour administrative d’appel (articles R. 222-13 et R. 811-1 du Code de justice administrative). Il ne peut être contesté que devant le Conseil d’État, par la voie du pourvoi en cassation.