Limites au principe de réutilisation des données publiques

Les exceptions sont formulées seulement à l’égard des données publiques (et non des données de la recherche). Elles sont justifiées par la prise en compte des situations de concurrence, par la nécessité de percevoir des redevances ou par celle d’assurer une exclusivité pour la réutilisation des données.

I. Exception relative à la concurrence

Les administrations qui exercent une mission de service public à caractère industriel et commercial peuvent soit conditionner la réutilisation de leurs bases de données, soit ne pas en autoriser la réutilisation. 

Les administrations peuvent se fonder sur leurs droits de propriété intellectuelle et, en particulier, le droit sui generis pour faire obstacle à la réutilisation gratuite de leurs données. – Article L. 321-3, al. 2 du Code des relations entre le public et l’administration

L’exception s’applique à tout type d’administration, quel que soit son statut, dès lors que l’administration développe une activité industrielle et commerciale. 

L’objectif est de préserver les intérêts des établissements soumis aux impératifs de concurrence.

Recherche scientifique

Transposée au secteur de la recherche scientifique, la règle permet aux établissements de valoriser leurs bases de données à travers leurs services, voire leurs filiales de valorisation. 

L'exception s'applique a fortiori aux établissements de recherche ayant le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) : 

  • Centre de coopération internationale pour le développement durable des régions tropicales et méditerranéennes (CIRAD), 
  • Centre national d’études spéciales (CNES), 
  • Commissariat à l’énergie atomique (CEA).

Selon la Charte de déontologie du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) « les données de la recherche, les savoir-faire, les collections, comme les résultats de la recherche et la production scientifique, sont placés sous la responsabilité du Cirad, qui en assure la protection, la conservation, la transmission, la diffusion et la valorisation ». 

La Charte ajoute que les collaborations avec le privé doivent faire en sorte que « les résultats, conclusions, produits et données issus de la recherche soient rendus largement accessibles sous réserve du respect des droits de propriété intellectuelle et des engagements partenariaux. Cela conduit à rechercher, en cas de protection par un titre de propriété intellectuelle, l’obtention de licences à des conditions privilégies pour l’utilisation par le petit paysannat ».

Charte de déontologie du CIRAD

II. Exception relative aux redevances

A. En droit européen

À titre exceptionnel, les administrations peuvent prévoir de fixer des redevances au-delà du coût marginal lorsqu’il s’agit de ne pas « entraver le fonctionnement normal des organismes du secteur public qui sont tenus de générer des recettes destinées à couvrir une partie substantielle de leurs coûts liés à l’exécution de leurs missions de service public ou des coûts afférents à la collection, à la production, à la reproduction et à la diffusion de certains documents mis à disposition à des fins de réutilisation ». – Considérant 36 de la Directive n° 2019/1024 du 20 juin 2019 concernant les données ouvertes et la réutilisation des informations publiques

Certaines personnes comme les organismes du secteur public, les bibliothèques, y compris les bibliothèques universitaires, les musées et les archives, et enfin, les entreprises publiques, peuvent y déroger

Le montant des redevances est calculé conformément à des critères objectifs, transparents et vérifiables, qui sont définis par les États membres. – Article 6, 4° de la Directive n° 2019/1024 du 20 juin 2019 concernant les données ouvertes et la réutilisation des informations publiques. Le principe de transparence est affirmé à l’article 7 de la directive.

Le coût total des recettes provenant de la fourniture et des autorisations de réutilisation des documents ne dépasse pas le coût de leur collecte, de leur production, de leur reproduction, de leur diffusion et du stockage de données, tout en permettant un retour sur investissement raisonnable, ainsi que, le cas échéant, d’anonymisation des données à caractère personnel et de mesures prises pour protéger des informations confidentielles à caractère commercial. – Article 6, 2° de la Directive n° 2019/1024 du 20 juin 2019 concernant les données ouvertes et la réutilisation des informations publiques

B. En droit interne

Les administrations peuvent établir une redevance de réutilisation lorsqu’elles sont tenues de couvrir par des recettes propres une part substantielle des coûts liés à l’accomplissement de leurs missions de service public. – Article L. 324-1 du Code des relations entre le public et l’administration

Le montant total de la redevance ne doit pas dépasser le coût global de la collecte, de la production, de la mise à disposition du public ou de la diffusion de leurs informations publiques. 

Conformément à la directive européenne, la réutilisation peut donner lieu au versement d’une redevance lorsqu’elle porte sur des informations issues des opérations de numérisation des fonds et des collections des bibliothèques, y compris des bibliothèques universitaires, des musées et des archives.Article L. 324-2 du Code des relations entre le public et l’administration

Conformément à la directive européenne, les conditions de fixation du montant des redevances sont prévues par les dispositions légales et réglementaires. Elles doivent être transparentes, vérifiables et non discriminatoires. – Article L. 324-3 du Code des relations entre le public et l’administration

Lorsqu’il est envisagé de soumettre au paiement d’une redevance la réutilisation d’informations publiques contenues dans des documents produits ou reçus par l’État, la liste de ces informations ou catégories d’informations est préalablement fixée par décret, après avis de l’autorité compétente. La même procédure est applicable aux établissements publics de l’État à caractère administratif. 

La liste des informations ou catégories d’informations est révisée tous les cinq ans. – Article L. 324-5 du Code des relations entre le public et l’administration

Certaines administrations ont ainsi été autorisées par décret à établir des redevances pour certaines informations publiques. – Article D. 324-5-1 du Code des relations entre le public et l’administration

Perte de revenus

La réutilisation des informations publiques par le biais des licences d’exploitation peut générer des revenus substantiels pour les administrations. 

Par exemple, lorsque l’activité principale de l’administration consiste précisément dans la production et la mise à disposition d’informations publiques et qui financent cette dernière à plus de 25% de leurs recettes propres ou à moins de 75% par des recettes fiscales, des dotations ou des subventions, comme c'est le cas de l'INSEE ou de fonds d'archives. Ainsi, depuis le 1er janvier 2017, l’INSEE ne peut plus demander le paiement de redevances pour la réutilisation de ses données. – Article L. 324-6 du Code des relations le public et l’administration

Sont seuls autorisés à établir des redevances de réutilisation, les services de l'État et les administrations au sens de l'article L. 300-2 du CRPA, dont l'activité principale consiste en la collecte, la production, la mise à disposition ou la diffusion d'informations publiques, lorsque la couverture des coûts liés à cette activité principale est assurée à moins de 75 % par des recettes fiscales, des dotations ou des subventions. - Article R. 324-4-1 du Code des relations entre le public et l'administration

Pour les bibliothèques y compris universitaires, les musées et les archives, une redevance peut être stipulée mais uniquement pour les informations issues d’opérations de numérisation de leurs collections et, le cas échéant, les métadonnées lorsque celles-ci sont produites et commercialisées conjointement. – Article L. 324-2 du Code des relations entre le public et l’administration

III. Exception relative à l'exclusivité

À titre exceptionnel, les administrations peuvent accorder une exclusivité pour la réutilisation des informations publiques, à deux conditions : 

  • la réutilisation doit être nécessaire à l’exercice d’une mission de service public ;
  • l’exclusivité ne doit pas dépasser 10 ans ou 15 ans lorsqu’il s’agit d’assurer la numérisation de ressources culturelles.

Le législateur justifie l’exception par le fait que, dans le cadre d’une prestation de services d’intérêt économique général, il peut parfois se révéler nécessaire d’accorder un droit exclusif pour la réutilisation de certains documents du secteur public. – Considérants 48 et 49, Directive n° 2019/1024 du 20 juin 2019 concernant les données ouvertes et la réutilisation des informations publiques

Ce cas peut se produire, par exemple, si aucun éditeur commercial n’est disposé à publier l’information sans disposer de ce droit d’exclusivité. L’exception se justifie dans le domaine culturel, en particulier, où se concluent de nombreux accords de coopération entre les bibliothèques, y compris universitaires, les musées, les archives et des partenaires privés qui prévoient la numérisation de ressources culturelles en octroyant des droits d’exclusivité à ces derniers. Il est donc nécessaire de prévoir la possibilité pour le partenaire privé d’amortir son investissement.

Dans ces hypothèses, la personne ayant bénéficié de l'exclusivité a l’obligation de remettre une copie des ressources numérisées et des données associées dans un standard ouvert et librement réutilisable aux administrations ayant accordé le droit d'exclusivité. – Article L. 325-7 du Code des relations entre le public et l’administration