Données du domaine public

I. Notion de domaine public informationnel

A. Domaine public

1. Définition en droit international

2. Absence de définition légale en droit français

Il n’existe pas, dans la loi française, de définition de la notion de domaine public. Il s’agit donc d’une catégorie résiduelle et peu organisée.

Définitions doctrinales

La notion de domaine public fait l’objet de nombreuses définitions doctrinales. Les propositions ne sont pas tout à fait équivalentes en ce qu'elles n'utilisent pas toutes le même vocable. 

Le domaine public est parfois apparenté à ce que l'on appelle aussi le fonds commun des idées qui désigne « tous matériaux ayant vocation à être utilisé dans le cadre d’un processus créatif ». - Vivant M., et Bruguière J.-M., Droit d’auteur et droits voisins, 3e éd., Paris, Dalloz, 2015, n° 140, note 1.

La notion de domaine public est parfois cantonnée aux créations qui ne sont plus appropriées par un droit de propriété intellectuelle. Il serait alors composé de « [t]outes les créations antérieurement protégées ou qui auraient pu l’être, dont l’exploitation libre et gratuite, à l’expiration d’un certain délai est absolu, obligatoire, et non susceptible en principe d’appropriation par un droit de même nature ». - S. Choisy, Le domaine public en droit d’auteur, t. 2, coll. IRPI, Paris, Litec, 2002, n° 350. 

Plus largement, l'on peut aussi proposer que la notion de domaine public englobe toutes les créations qui ne sont pas ou plus protégées par un droit de propriété intellectuelle ». - C. Bernault et J.-P. Clavier, Dictionnaire de droit de la propriété intellectuelle, 2e éd., Paris, Ellipses, 2015. 

Si l'on choisit de distinguer la notion de fonds commun des idées de la notion de domaine public, il faut préciser que si le fonds des idées ne peut pas faire l’objet d’une appropriation, le domaine public au contraire « est constitué des créations ayant déjà fait l’objet d’un droit de propriété intellectuelle, mais qui sont ensuite accueillis dans son giron, une fois le temps de la protection écoulé ». - A. Robin, Droit des données de la recherche. Science ouverte, innovation, données publiques, Larcier, 2022, n° 285. 

Mais cette définition ne permet pas d'englober les créations qui sans être protégées par un droit de propriété intellectuelle, ne sont pas accessibles en raison de leur réservation par le secret. Dès lors, le domaine public peut se définir comme « l’ensemble des créations qui ne sont pas ou plus protégées par un droit de propriété intellectuelle, ni réservées par le secret ». - A. Robin, Droit des données de la recherche. Science ouverte, innovation, données publiques, Larcier, 2022, n° 289.

Le domaine public intellectuel regroupe donc les choses (informations, données, méthodes, idées, concepts, théories, etc.) qui n’appartiennent pas aux catégories des données couvertes par un secret, ni à celle des données couvertes par un droit de propriété intellectuelle. Dit autrement, les choses composant le domaine public sont  des choses qui sont à la fois disponibles et accessibles, ce qui correspond, sur le plan juridique, à la définition des choses communes.

B. Choses communes ou "communs"

Les choses qui composent le domaine public sont qualifiées de choses communes (res communis). Il en est de même pour les choses informationnelles ou intellectuelles. Elles constituent le domaine public informationnel.

Les choses communes ne font pas l’objet d’un droit de propriété et sont soumises à l’usage de tous. Une chose n’entre dans le domaine public que si la loi la désigne comme telle (par exemple, l’extinction d’un monopole sur une œuvre) ou si l’auteur ou le créateur décide de diffuser une information sous licence libre et très permissive, de type Creative commons CC0.

La licence Creative Commons « Transfert dans le domaine public » (CC0) permet par exemple de placer une chose (création de type bases de données ou autre création) dans le domaine public, sans aucune restriction d'usage. 

Pour l'exploitation bases de données scientifiques, la citation du producteur de la base de données n’est pas obligatoire. Il est toutefois conseillé, d’un point de vue éthique et scientifique, aux utilisateurs de citer les créateurs originels de la base lors de la réutilisation. Cela permet de certifier leur origine et la méthodologie associée à leur production. Certains entrepôts de données, tel que l’entrepôt disciplinaire Dryad, mais aussi des éditeurs de revues scientifiques, tels que BioMed ou Nature Publishing Group imposent la licence CC0.

Communs scientifiques : quid ?

Selon R. K. Merton, les connaissances scientifiques devraient constituer « un patrimoine commun mondial enrichi par tous les scientifiques au fur et à mesure de leurs travaux, et dans lequel ils peuvent puiser pour poursuivre leurs recherches ». - The Sociology of Science, Chicago, The University of Chicago Press, 1973.

« Les communs de la connaissance supposent une architecture à la fois technique et normative qui soit résistante aux stratégies commerciales et à la logique propriétaire ». - P. Dardot et C. Laval, Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle, La découverte, 2014, p. 169.

Les auteurs retiennent le plus souvent une conception large de la notion de « commun scientifique » qui renvoie aux notions plus anciennes de « patrimoine commun » ou de « domaine public ». Venue d'outre-Atlantique, la notion de « commun » ne correspond pas aux catégories juridiques classiques de notre droit, hormis le cas des choses communes auxquelles il est alors logique et légitime de les rattacher.

Selon la conception que l'on veut retenir de la notion de « commun scientifique » (voir ci-dessous), l'outil juridique privilégié sera différent : 

  • si les communs scientifiques sont des connaissances appartenant au domaine public et peuvent être qualifiés de « choses communes », seule la loi (« loi de police ») peut en déterminer et distribuer l'usage ;
  • si les communs scientifiques sont des connaissances partagées entre plusieurs personnes (au sein d'un consortium par exemple), le contrat sera l'outil utilisé pour en déterminer et distribuer l'usage.

Selon les cas, les droits d’usage (bundle of rights) des communs scientifiques seront donc précisés par des règlements d'usage, des contrats (conditions générales, contrats de collaboration, licences permissives, etc.), des chartes, etc.

Trois critères permettent, en tout cas, de repérer un « commun scientifique » et de le qualifier comme tel : 

  • la nature de la ressource, dont le caractère immatériel et ubiquitaire se prête à une communauté d’utilisation, 
  • les règles contractuelles ou réglementaires régissent l’accès et l’utilisation des ressources, 
  • les organes de gouvernance permettent la gestion des ressources communes.

Deux conceptions peuvent être retenues de la notion de « communs scientifiques », l'une stricte (la plus fréquemment admise), l'autre plus large (voir ci-dessous). En pratique, l'on constate que ces conceptions ne s'excluent pas totalement, l'une pouvant succéder à l'autre. 

Par exemple, il peut s'agir de données génétiques produites au sein d’un consortium, qui seront, dans un premier temps, dédiées à l'usage partagé d'une communauté de chercheurs, avant d'être publiées dans une base de données accessible à tous, selon une méthode contractuelle que l'on peut appeler « chronologie de l'information ».

Selon une conception stricte, les données de la recherche scientifique peuvent constituer des « communs scientifiques », dès lors qu'elles appartiennent au domaine public :

  • à la suite de la mise à disposition du public liée à l'arrivée à terme d'une droit de propriété intellectuelle ou à la levée d'un secret ;
  • à la suite de la mise à disposition du public par le biais d'une licence CC0 ou CC-by 4.0. Dans ce dernier cas, la liberté de réutilisation peut toutefois s'accompagner (CC-by 4.0) de l'obligation de citer l'auteur. Mais aucune redevance d'exploitation n'est due.

Qu'elle qu'en soit la cause, la mise à disposition doit alors être libre, égalitaire et gratuite. Dans cette optique, l'expression « communs scientifiques » est entendue comme synonyme de celle de « domaine public ».

Il peut s’agir, par exemple, de données génétiques produites au sein d’un consortium, qui seront publiées dans une base de données accessible à tous.

II. Régime juridique du domaine public informationnel

A. Absence de droit de propriété et usage commun

A défaut de régime juridique propre au « domaine public informationnel », ce sont les dispositions du Code civil qui ont vocation à s'appliquer. En particulier, les dispositions relatives aux choses communes régies par l’article 714 du Code civil, selon lequel « Il est des choses qui n'appartiennent à personne et dont l'usage est commun à tous. Des lois de police règlent la manière d'en jouir. » 

Afin que l’usage de tous puisse être assuré, il faut que l'accès aux choses communes réponde aux principes de liberté, d’égalité et de gratuité.

B. Accessibilité et disponibilité des choses communes

Le domaine public intellectuel est composé de choses intellectuelles définitivement disponibles et accessibles à tous

Pour qu’une chose intellectuelle soit qualifiée de chose commune, elle doit être accessible techniquement et intellectuellement. 

  • Absence de verrouillage technique : les données ou bases de données ne doivent donc pas être mises au secret, ni verrouillées par son intégration dans un système de traitement automatisé de données (STAD) ou par l'effet d'une une mesure technique de protection.
  • Absence de droit de propriété intellectuelle : l’accès à des données ou bases de données n’est pas nécessairement synonyme de disponibilité sur le plan juridique, en raison de leur protection par le droit d'auteur ou le droit sui generis des bases de données. Tout dépend des licences choisies.