Données des archives

Les archives publiques sont des documents administratifs d'un genre particulier. Les données des archives sont en partie soumises au régime juridique des données publiques et en partie soumises à un régime juridique spécifique contenu dans le Code du patrimoine et non dans le Code des relations entre le public et l'administration.

I. Notion d'archives

En tant qu’elles constituent la mémoire d’une nation, les archives relèvent d’une mission de service public ainsi que l’énonce l’article L. 211‑2 du Code du patrimoine : « [L]a conservation des archives est organisée dans l’intérêt public tant pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, que pour la documentation historique de la recherche ». 

Les archives assurent une triple fonction : 

  • conserver la mémoire, 
  • faciliter la gestion des administrations, et 
  • permettre aux citoyens d’exercer leurs droits. 

La qualification d’un document en tant qu’archive provient de sa production. C’est donc le contexte dans lequel le document a été produit qui le fait archive et non sa date ou sa place dans le temps.

A. Définition des données des archives

  • Lexique : Archives

« Ensemble des documents, y compris les données, quels que soient leur date, lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l’exercice de leur activité ».

- Article L. 211-1 du Code du patrimoine

Le Code du patrimoine n'emploie pas la notion de « données des archives ». Tout comme pour la notion de données publiques qui renvoie à la notion légale de documents administratifs, la notion de données des archives renvoie, dans la réalité des textes, à celle d'« archives » qui sont, elles aussi, des documents. 

La notion de document couvre celle de données. Le fait que les données soient mentionnées comme étant susceptibles de constituer des archives traduit l’intégration des documents numériques dans la définition des archives. 

La définition des archives est cependant plus large que celle des documents administratifs au sens du Code des relations entre le public et l'administration (CRPA), qu’elle englobe d’ailleurs (tout document administratif est une archive publique). En effet, les archives publiques englobent tous les documents qui sont exclus du champ d’application du CRPA, notamment les documents juridictionnels et judiciaires.

B. Caractères des données des archives

« 1° Les documents qui procèdent de l’activité de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes morales de droit public. […] ; 2° Les
documents qui procèdent de la gestion d’un service public ou de l’exercice d’une mission de service public par des personnes de droit privé ; 3° Les minutes et répertoires des officiers publics ou ministériels et les registres de conventions notariées de pacte civil de solidarité ».

- Article L. 211-4 du Code du patrimoine

Les archives qui sont encadrées par la loi (Code du patrimoine) sont les archives publiques. Le caractère privé ou public des archives détermine le régime juridique applicable. 

Les archives privées sont quant à elles définies par défaut comme toutes celles qui n’entrent pas dans le champ d’application de l’article L. 211‑4 du Code du patrimoine. Concernant les archives privées, aucune obligation ne contraint le propriétaire à en accepter le versement dans un fonds d’archives publiques. Son consentement est donc requis, ainsi que le prévoit d’ailleurs l’article L. 213‑6 du Code du patrimoine. Le propriétaire peut donc refuser d’accorder la communication immédiate des archives, imposer un délai de carence avant divulgation, etc., sauf classement d’office prononcé par le Conseil supérieur des archives et par décret pris sur avis conforme du Conseil d’État, et justifié par des raisons historiques. 

L’initiative d’une procédure de classement peut être prise soit par le propriétaire des documents, soit par le ministre chargé de la Culture ou des ministres des Affaires étrangères et de la Défense, dans leurs domaines de compétence respectifs. 

La gestion des archives publiques est soumise au contrôle du Service interministériel des archives de France (SIAF) de la direction générale des patrimoines. - Article R. 212-2 du Code du patrimoine

Durée de conservation des archives

La conservation des archives est assurée par de nombreuses institutions et organismes sous le contrôle scientifique et technique du SIAF. Les Archives nationales sont constituées de trois services à compétence nationale (sites généralistes de Paris, Fontainebleau et Pierrefite ; les Archives nationales d’outre-mer d’Aix-en-Provence et les Archives nationales du monde du travail de Roubaix). Quant aux collectivités territoriales, elles sont propriétaires de leurs archives dont elles assurent elles-mêmes la conservation et la mise en valeur. - Article L. 212‑6 et L. 212‑6-1 du Code du patrimoine

Un certain nombre d’organismes publics sont autorisés, à titre dérogatoire, à conserver eux-mêmes leurs archives définitives, à condition de les traiter et de les communiquer au public conformément aux règles en vigueur dans les services publics d’archives. Le stockage des archives publiques peut même être, à certaines conditions (agrément, secret, normes techniques de sécurité, etc.), confié à des entreprises privées, mais seulement pour les archives courantes et intermédiaires, à l’exception des archives définitives. - Article L. 212‑4, II du Code du patrimoine

A l’expiration de leur période d’utilisation courante, c’est-à-dire pour l’activité des services, établissements ou organismes qui les ont produits ou reçus, les archives publiques font l’objet d’une sélection afin de ne retenir que les documents d’utilité administrative ou d’intérêt historique ou scientifique, vouant ainsi les autres à l’élimination. - Article R. 212‑10 du Code du patrimoine

Les archives intermédiaires sont celles qui ne sont plus courantes, mais qui ne peuvent en raison de leur intérêt administratif faire l’objet de sélection ou d’élimination. Les archives définitives sont les documents considérés comme méritant d’être conservés sans limitation de durée. Les archives courantes peuvent alors devenir des archives intermédiaires, puis définitives. 

La loi dispose que les durées d’utilisation et de conservation sont fixées par les services, l’établissement ou l’organisme intéressé et le SIAF qui opère ainsi un contrôle scientifique et technique sur le sort des documents. - Articles R. 212‑11, R. 212-12 et R. 212-13 du Code du patrimoine

II. Régime juridique des archives

A. Principe de libre communicabilité

1. Principe

Le principe est celui de la libre communicabilité des archives. – Article L. 213-1 du Code du patrimoine

Les conditions de communication sont celles applicables aux documents administratifs telles que fixées par le Code des relations entre le public et l’administration.

Comme pour les documents administratifs et les données publiques, la Commission d'accès aux documents Administratifs (CADA) est compétente pour délibérer sur les demandes refusées de communication de fonds d’archives publiques, ses décisions étant susceptibles de recours devant les tribunaux administratifs. - Voir Données publiques

2. Dérogations

a) Dérogations générales

La loi fixe des délais spéciaux qui conditionnent l’accès aux archives qui varient selon le type de secret à protéger. – Article L. 213-2 du Code du patrimoine

Ce délai est la durée d’utilisation administrative (DUA). L’administration peut cependant elle-même décider de l’ouverture anticipée de fonds ou parties de fonds d’archives publiques, sous réserve de l’accord de l’autorité dont émanent les documents. Ces dérogations générales autorisant la consultation d’un fonds d’archives sont prises par arrêté.

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L’administration peut cependant elle-même décider de l’ouverture anticipée de fonds ou parties de fonds d’archives publiques, sous réserve de l’accord de l’autorité dont émanent les documents. Ces dérogations générales autorisant la consultation d’un fonds d’archives sont prises par arrêté.

b) Dérogations spécifiques

  • Pour les documents contenant des données à caractère personnel, l’administration responsable du traitement, sous le contrôle de la CNIL, doit définir les durées pertinentes, dans la mesure où ni la loi de 1978, ni le RGPD ne fixent la durée du traitement. La conservation des données doit correspondre à la durée nécessaire à l’accomplissement des finalités du traitement. – Article 5 du RGPD et article 6 de la Loi informatique et libertés
  • Pour les besoins d’une recherche scientifique, une autorisation de consultation anticipée peut être accordée par le propriétaire du document, l'administration des archives ou tout service public d'archives. L’autorisation de consultation anticipée de documents d’archives publiques peut être accordée aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l’intérêt qui s’attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. – Article L. 213-3 du Code du patrimoine. La majeure partie des avis rendus par la CADA concernent des refus opposés aux chercheurs ou étudiants fondés sur les risques d’atteinte à la vie privée des personnes ou à l’égard de documents contenant des jugements de valeur sur des personnes. De manière générale, pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, la CADA s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part, de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi (droit à la vie privée, protection des données personnelles, secret médical, secret des délibérations, etc.). Sous le contrôle du juge administratif, et conformément à sa doctrine constante (avis de partie II n° 20050939, du 31 mars 2005), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance.

Principe de la pesée des intérêts mis en balance

Le Conseil d'État a eu l'occasion d'affirmer que « [d]ans tous les cas, l'autorisation de consultation anticipée des documents d'archives publiques est accordée aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger, en particulier le secret des délibérations du pouvoir exécutif, la conduite des relations extérieures et les intérêts fondamentaux de l'État dans la conduite de la politique extérieure (...). Afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une telle demande de consultation anticipée, il appartient (...) de mettre en balance les différents intérêts en présence, d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. (...) Eu égard, d'une part, à la nature et à l'objet des documents litigieux et aux informations qu'ils comportent et, d'autre part, au but poursuivi par M. A... dont les travaux s'inscrivent, à la suite des ouvrages qu'il a déjà rédigés, dans la recherche de ce qu'aurait été le rôle exact de la France au Rwanda, entre 1990 et 1995, ses demandes présentent, au regard de la liberté de recevoir et de communiquer des informations et des idées pour nourrir les recherches historiques et le débat sur une question d'intérêt public, un intérêt légitime sans qu'y fasse obstacle sa qualité de physicien, directeur de recherche au CNRS. Il est vrai que la communication des archives litigieuses aurait pour effet de révéler des informations relevant du secret des délibérations du pouvoir exécutif et touchant à la conduite des relations extérieures. Mais d'une part, les documents litigieux, dont aucun élément au dossier ne conduit à penser qu'ils comporteraient des éléments de nature à compromettre, à la date de la présente décision, les intérêts fondamentaux de l'État ou la sécurité des personnes, portent sur des événements qui sont survenus il y a plus d'une génération et dont les acteurs ne sont plus, pour la plupart, en activité. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la consultation anticipée des documents litigieux a fait l'objet de plusieurs autorisations ayant donné lieu à leur utilisation dans le cadre de divers articles, ouvrages et rapports. En outre, certaines des informations qu'ils comportent ont déjà été rendues publiques, en particulier par le rapport d'information n° 1271 de l'Assemblée nationale du 15 décembre 1998 sur les opérations militaires menées par la France, d'autres pays et l'ONU au Rwanda entre 1990 et 1994 ». - Conseil d'État, Assemblée, 12 juin 2020, n° 422327

B. Principe de libre réutilisation

1. Principe

Les archives publiques sont librement réutilisables selon les règles applicables à la réutilisation des données publiques telles que prévues par le CRPA.

2. Conditions

Le principe de réutilisation repose sur la liberté et la gratuité

Cependant le CRPA prévoit que les services d’archives peuvent imposer une redevance pour la réutilisation des informations issues des opérations de numérisation de leurs fonds. – Article L. 324-2 du CRPA

Pour assurer leur réutilisation, le format des données conservées doit être standardisé. Le Service Interministériel des Archives de France (SIAF) préconise de suivre les recommandations du Référentiel général d’interopérabilité (RGI - v. 2.0) édité par la Direction Interministérielle du Numérique et du Système d’Information et de Communication de l’Etat (DINSIC, aujourd'hui DINUM).

La CADA est en mesure d'exiger le respect de règles particulières pour la réutilisation des informations.

Projet ADAMANT

Le Projet Administration des archives et de leurs métadonnées aux Archives nationales dans le temps (ADAMANT) qui s’inscrit dans le programme Valeurs immatérielles transférées aux archives pour mémoire (VITAM) doit permettre aux administrations de déposer les données de gestion des administrations aux archives nationales. 

Ce programme a pour objectif d’adapter les outils, les procédures et l’organisation de la chaîne archivistique pour répondre aux enjeux numériques actuels, c’est-à-dire assurer la sécurité et l’authenticité des données hétérogènes sur un temps long. 

Ont ainsi été créés des outils logiciels et une plateforme d’archivage numérique permettant également de simplifier aux utilisateurs l’accès aux archives nationales.