« Toute opération ou tout ensemble d'opérations effectuées ou non à l'aide de procédés automatisés et appliquées à des données ou des ensembles de données à caractère personnel, telles que la collecte, l'enregistrement, l'organisation, la structuration, la conservation, l'adaptation ou la modification, l'extraction, la consultation, l'utilisation, la communication par transmission, la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l'interconnexion, la limitation, l'effacement ou la destruction ».
- Article 4, 2° du Règlement général sur la protection des données.
Un traitement ultérieur désigne toute opération de traitement réalisée après la collecte initiale des données, tant que cette opération est distincte du traitement initial.
Pour qu’un traitement ultérieur soit licite, le traitement initial doit l’être également. – Considérant 50 et article 5, 1° du Règlement général sur la protection des données
Un traitement est qualifié d'ultérieur si ses finalités sont différentes de celles du traitement initial. Cependant, le traitement initial ne se limite pas à la collecte ; il inclut d’autres opérations qui en découlent directement.
Si les finalités restent inchangées, le test de compatibilité ne s’applique pas. Le régime du traitement ultérieur concerne donc uniquement les traitements qui poursuivent d’autres finalités que celles prévues initialement.
Recherche en santé et données personnelles
En matière de recherche en santé, une règlementation particulière a été adoptée, sur le plan national comme sur le plan européen pour encadrer le traitement secondaire (ultérieur) des données personnelles de santé. L'organisme national chargé de gérer l'accès aux données de santé (personnelles ou non) à des fins de recherche est la Plateforme des données de santé (Voir Données de santé).
Les traitements de données à caractère personnel ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé sont régis par des dispositions particulières de la Loi informatique et libertés. - Article L. 225-1 du Code de la recherche
Les manquements aux obligations relatives à la mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé sont sanctionnés par le Code pénal. - Article 226-19-1 du Code pénal
Le responsable du traitement doit vérifier que les finalités du traitement ultérieur ne sont pas incompatibles avec celles du traitement initial. Pour cela, il doit réaliser un test d’absence d’incompatibilité.
Si les finalités sont compatibles, le traitement ultérieur est licite. Dans le cas contraire, il devient illégal.
Par exemple, lorsqu’un responsable de traitement transmet des données à un autre responsable, cette transmission constitue un traitement distinct. Il convient alors d'évaluer si les finalités poursuivies par le destinataire sont compatibles avec celles du traitement initial.
L’article 6, 4° du Règlement général sur la protection des données énumère plusieurs critères pour apprécier la compatibilité d’un traitement ultérieur :
Ces critères doivent être appréciés au cas par cas, et bien qu’ils ne soient pas limitatifs, ils semblent cumulatifs selon la formulation du RGPD.
En cas d’incompatibilité manifeste, le traitement ultérieur est interdit. À l’inverse, si la compatibilité est établie, la réutilisation des données est autorisée. – G29, Opinion 03/2013, On purpose limitation, 02 avril 2013, p. 22-23
Le responsable du traitement doit non seulement réaliser le test de compatibilité, mais aussi être en mesure de le justifier.
Lorsqu’un traitement ultérieur est nécessaire à une mission d’intérêt public ou à l’exercice de l’autorité publique, le droit de l’Union ou des États membres peut déterminer les cas où un traitement ultérieur est considéré comme compatible et licite. – Considérant 50 du Règlement général sur la protection des données
Traitement ultérieur et Intelligence artificielle (IA)
L’apprentissage automatique suppose un traitement massif de données personnelles. Ces données sont souvent réutilisées pour entraîner des algorithmes.
L'identification des finalités d’un tel traitement pose question. Par exemple, le Conseil d’État a jugé que la réutilisation de décisions de justice pour concevoir un algorithme d’indemnisation était compatible avec la finalité initiale de règlement des litiges. – Conseil d'État, 30 décembre 2021, n° 440376, considérant 14
Cependant, une distinction s’impose selon le type d’apprentissage :
L’application du Règlement général sur la protection des données à l’IA implique donc une analyse fine des finalités du traitement et des modalités d’apprentissage.
Le traitement ultérieur des données se distingue du traitement initial par ses contours et ses finalités. Que ce traitement soit effectué par le même responsable du traitement ou par un tiers, sa conformité au Règlement général sur la protection des données doit être assurée.
Tout comme pour le traitement initial, les finalités du traitement ultérieur doivent être :
Ces finalités nouvelles sont définies lors du test d'absence d'incompatibilité avec les finalités initiales.
Si les finalités des traitements initial et ultérieur ne sont pas incompatibles, la même base juridique que celle du traitement initial peut être utilisée. – Considérant 50 du Règlement général sur la protection des données
En revanche, si les finalités sont incompatibles, le traitement ultérieur ne pourra être effectué que si :
Dans ce cas, seules les données strictement nécessaires aux nouvelles finalités doivent être traitées.
Le responsable du traitement doit informer les personnes concernées avant la mise en œuvre du traitement ultérieur, notamment sur :
– Article 13 et Considérant 61 du Règlement général sur la protection des données
Si le traitement ultérieur est effectué par un autre responsable du traitement, celui-ci doit fournir l'information aux personnes concernées. – Article 14 du Règlement général sur la protection des données
Les personnes concernées peuvent exercer leurs droits également sur le traitement ultérieur. Ces droits comprennent :
En résumé
Le régime juridique du traitement ultérieur repose sur :
Le contrôle de compatibilité des finalités n’est pas requis lorsque :
L'article 89 du Règlement général sur la protection des données autorise la réutilisation de données personnelles pour des fins archivistiques, scientifiques, historiques ou statistiques, même si elles avaient été collectées à l’origine pour un autre usage.
Cela signifie qu’il n’est pas nécessaire de vérifier la compatibilité entre la finalité initiale et la nouvelle finalité de recherche car le traitement ultérieur sera a priori considéré comme compatible avec les finalités initiales du traitement. Il s'agit ainsi d'une présomption de compatibilité. – Article 5, 1°, b) du Règlement général sur la protection des données et Article 6, 2° de la Loi informatique et libertés
L’objectif est de faciliter la recherche en évitant d’avoir à collecter de nouvelles données à chaque étude. Cette approche est essentielle, car constituer des bases de données dédiées uniquement à la recherche est souvent complexe et coûteux et l'appariement de données doit pouvoir être facilité.
La loi prévoit donc des dérogations qui permettent aux chercheurs de s'exonérer d'un certain nombre d'obligations.
Ces dérogations sont spécifiques et ne permettent pas de s'extraire du cadre général. Ainsi, des mesures de protection doivent être prises pour garantir que les droits des individus sont respectés :
Pour éviter que l’exercice de certains droits ne compromette les recherches en cours, le RGPD permet aux États membres d’adapter certaines obligations. L’article 89, 2° du Règlement général sur la protection des données prévoit des dérogations aux droits des personnes concernées, notamment :
S'agissant de l'obligation d'information, les personnes concernées doivent, en principe, doivent être informées de l’utilisation de leurs données même si celles-ci n’ont pas été collectées directement auprès d’elles.
Cependant, il existe des exceptions, notamment si l’information est impossible ou demande des efforts disproportionnés. – Article 14, 5°, b) du Règlement général sur la protection des données
L'article 79 de la Loi informatique et libertés prévoit que, lorsque les données à caractère personnel ont été initialement recueillies pour un autre objet, les dispositions relatives à l'information de la personne concernée prévues par l'article 14 du Règlement général sur la protection des données ne s'appliquent pas si les traitements répondent à :
L'article 14 du RGPD est relatif aux informations à fournir lorsque les données personnelles n'ont pas été collectées auprès de la personne concernée (identité du responsable de traitement, finalités du traitement, catégories de données concernés, existence d'un transfert dans un pays tiers à l'Union, durée du traitement, intérêts légitimes le cas échéant, information sur le droit à la rectification et à l'effacement, etc.).
Afin d’aider les responsables de traitement à analyser les modifications d’un traitement de données ayant pour finalité une recherche, une étude ou une évaluation dans le domaine de la santé, dont elle rappelle qu’elles sont naturellement vouées à évoluer au gré des contraintes scientifiques ou des changements d’organisation des différents acteurs impliqués, la CNIL précise les démarches à suivre pour procéder à une protection de données adéquate. - CNIL, Modifications des traitement de données soumis à formalités : quelles démarches?, 13 juin 2024
Le CEPD avait également adopté des lignes directrices rappelant l’ensemble des règles applicables au traitement de données de santé à des fins de recherche scientifique dans le contexte de l’épidémie de la Covid-19. - CEPD, Lignes directrices 03/2020 rappelant l’ensemble des règles applicables au traitement de données de santé à des fins de recherche scientifique dans le contexte de l’épidémie du Covid-19, 21 avril 2020
La CNIL rappelle tout d’abord que seules les modifications substantielles du traitement sont concernées, comme l’ajout de nouvelles finalités ou l’ajout de la collecte de données sensibles et que les comités (CPP ou CEREES) ainsi que la CNIL ne sont pas compétents pour évaluer les modifications substantielles qui doivent simplement faire l’objet d’une documentation en interne (mise à jour du registre des traitements et de l’analyse d’impact relative à la protection des données ou AIPD), sauf si la modification envisagée entraîne la non-conformité du traitement au référentiel applicable au traitement.
À titre d’exemple, font partie des modifications substantielles le changement de responsable de traitement, l’ajout d’une nouvelle question ou d’une étude ancillaire, l’interconnexion, le rapprochement ou l’appariement de plusieurs traitements, l’ajout de catégories de données particulières non prévues par l’autorisation initiale, l’accès ou l’extraction d’une nouvelle base de données ou d’une nouvelle source, ajout de mineurs ou majeurs protégés, personnes hors d’état d’exprimer leur consentement, personnes privées de libertés, etc., l’allongement conséquent de la durée de l’étude et/ou de l’archivage, modalités d’information et recueil du consentement, nouvelle catégorie de destinataire, changement de fonction de la personne ou du service auprès duquel s’exerce le droit d’accès, modification des mesures techniques et organisationnelles susceptible d’affaiblir la sécurité des données, un transfert de données hors Union européenne.
Le consentement permet d’éviter le contrôle de compatibilité entre la finalité initiale et ultérieure.
Le consentement doit porter sur l'utilisation ultérieure et peut être recueilli antérieurement ou postérieurement à la collecte initiale.
Le consentement doit être explicite et le responsable du traitement doit être en mesure de le démontrer.
En cas de transmission des données à un tiers, un consentement spécifique peut être requis.
L'obligation légale comme base juridique du traitement initial peut autoriser un traitement ultérieur sans lien direct avec la finalité initiale. – Article 6, 4° du Règlement général sur la protection des données
Cependant, ce traitement ultérieur doit poursuivre un objectif légitime prévu à l'article 23 du Règlement général sur la protection des données :