« Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :
1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ;
2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;
3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret ».
- Article 2 de la Directive n° 2016/943, du 8 juin 2016, sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites ; Article L. 151-1 du Code de commerce
Issue de l'article 39 de l'Accord international sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC), la notion de secret des affaires a été introduite dans le droit de l'Union européenne par la directive du 8 juin 2016 et concerne précisément la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires). Elle a été transposée en droit interne par la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires, dont l'application est assurée par le décret n° 2018-1126 du 11 décembre 2018 relatif à la protection du secret des affaires. Le principe du secret des affaires est aujourd'hui énoncé par les articles L. 151-1 à L. 154-1 du Code de commerce.
L’objectif général de la législation est de fournir un cadre général harmonieux de sorte que la compétitivité des entreprises et des organismes de recherche européens, qui repose notamment sur des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires), soit protégée de manière adéquate, et d’améliorer ainsi les conditions pour la mise au point et l’exploitation de l’innovation et pour le transfert de connaissances au sein du marché intérieur (Comm. UE, Résumé de l’analyse d’impact, SWD(2013) 472 final, p. 5). La législation est donc également applicables aux organismes publics de recherche.
Plusieurs conditions cumulatives doivent être remplies pour qu’une information soit protégée au titre du secret des affaires :
La définition du secret des affaires contient ainsi deux critères :
Mesures techniques et organisationnelles
La loi ne protège le secret que si les détenteurs des informations ont mis en place un minimum de moyens techniques ou juridiques pour conserver les informations au secret. Les données sont ainsi considérées comme confidentielles ou secrètes lorsqu’elles ont donné lieu à des mesures techniques ou organisationnelles de protection qui empêchent d’y accéder librement.
C'est la raison pour laquelle le secret n'est pas un droit de propriété mais une maîtrise de fait organisée par le « détenteur » des données qui ne peut donc pas être qualifié de « propriétaire ».
Exemples de mesures techniques et organisationnelles
Lexique : Savoir-faire
« Ensemble d’informations pratiques, résultant de l’expérience et d’essais, qui est :
a) « secret », ce qui signifie qu’il n’est pas généralement connu ou facilement accessible,
b) « substantiel », ce qui signifie qu’il est important et utile pour la production des produits contractuels ou l’utilisation des technologies contractuelles, et
c) « identifié », ce qui signifie qu’il est décrit d’une façon suffisamment complète pour permettre de vérifier s’il remplit les conditions de secret et substantialité ».
Les recherches scientifiques peuvent aboutir à la mise au point d’un savoir-faire.
Le savoir-faire, peut désigner une méthode industrielle ou technique. Dans tous les cas, il s'agit d'un objet non protégé par un droit de la propriété intellectuelle. Seul le secret permet donc d’assurer sa protection.
Selon sa nature, le savoir-faire peut être soumis au régime juridique du secret des affaires s'il en remplit les conditions, notamment s'il a fait l’objet de mesures techniques et organisationnelles de sécurisation permettant de le considérer comme confidentiel.
Il peut également être soumis au régime juridique du secret de fabrique s'il en remplit les conditions, notamment s'il s'agit d'un procédé industriel de fabrication de produits. Si tout secret de fabrique peut être considéré comme un savoir-faire, tout savoir-faire n’est pas nécessairement un secret de fabrique.
Les effets de la protection au titre du secret des affaires sont prévus aux articles L. 151-7 à L. 151-9 du Code de commerce.
Le secret des affaires ne permet pas de concevoir un droit de propriété sur l’information conservée secrète. Seul un droit d’agir est reconnu au profit du détenteur légitime de l'information. La loi ne consacre pas de droit subjectif de propriété sur les informations confidentielles.
Le droit d’agir du détenteur légitime permet donc d'engager la responsabilité civile contractuelle ou extra-contractuelle, selon les cas, de l’auteur des agissements fautifs.
La loi définit les agissements fautifs de nature à engager la responsabilité de leur auteur.
Ainsi, une faute pourra être caractérisée :
Dans ces circonstances, la responsabilité civile (et non pénale) de l'auteur des agissements fautifs pourra être engagée conformément aux dispositions du Code de commerce. L'action est prescrite par cinq ans à compter du jour où le détenteur légitime du secret des affaires a connu ou aurait dû connaître le dernier fait qui en est la cause. – Articles L. 152-1 et L. 152-2 du Code de commerce
Le Code de commerce prévoit des mesures pour prévenir et faire cesser une atteinte au secret des affaires.
Le juge peut ordonner la cessation des activités illicites (utilisation, divulgation, production, mise sur le marché, utilisation de produits illicites, etc.), la destruction de tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique contenant le secret d’affaires, le retrait des produits illicites du marché, etc. – Article L. 152-3 du Code de commerce ; Article R. 152-1 et suivants du Code de commerce
Le juge peut également prévenir une atteinte imminente ou faire cesser une atteinte illicite à un secret d’affaires. – Article L. 152-4 du Code de commerce
La partie lésée peut obtenir le versement d’une indemnité en remplacement des mesures précédentes si ces dernières ont pour effet de causer à l’auteur des agissements fautifs, un dommage disproportionné, si le versement de l’indemnité paraît raisonnablement satisfaisant à la partie lésée et si l’auteur des agissements fautifs était de bonne foi au moment de l’accomplissement des actes délictueux. – Article L. 152-5 du Code de commerce
Le juge peut également ordonner la réparation du préjudice subi par le détenteur légitime du secret d’affaires en tenant compte :
1° des conséquences économiques négatives de l'atteinte au secret des affaires, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée, y compris la perte de chance ;
2° du préjudice moral causé à la partie lésée ;
3° des bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte au secret des affaires, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte.
La juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui tient notamment compte des droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le secret des affaires en question. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. – Article L. 152-6 du Code de commerce
Il peut également ordonner des mesures de publicité. – Article L. 152-7 du Code de commerce
Enfin, toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive peut être condamnée au paiement d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 20 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l'absence de demande de dommages et intérêts, le montant de l'amende civile ne peut excéder 60 000 euros. – Article L. 152-8 du Code de commerce
Les agissements fautifs peuvent ne pas être considérés comme tels si l’obtention, la diffusion ou l’utilisation des informations confidentielles sont justifiées par l’intérêt général.
L’article L. 151-7 du Code de commerce prévoit également que le secret d’affaires ne peut être opposé lorsque l’obtention, l’utilisation ou la divulgation du secret sont requises ou autorisées par le droit de l’Union européenne, les traités ou accords internationaux en vigueur ou le droit national notamment dans l’exercice des pouvoirs d’enquête, de contrôle, d’autorisation ou de sanction des autorités juridictionnelles ou administratives.
De même, l’article L. 151-8 du Code de commerce prévoit qu’à l’occasion d’une instance relative à une atteinte au secret des affaires, le secret n’est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue :
✍︎ Intégrité scientifique et lancement d'alerte
La loi de 2016 sur les lanceurs d'alerte peut trouver à s'appliquer aux alertes relatives aux méconduites scientifiques et ainsi déroger au principe de protection du secret des affaires, sous réserve de respecter les conditions définies par la loi.