Le Code de la propriété intellectuelle prévoit des exceptions à l'application des droits de propriété intellectuelle qui permettent de ne pas avoir à obtenir l'autorisation du titulaire des droits, qu'il s'agisse du droit d'auteur ou du droit sui generis des bases de données.
Ces exceptions ont été prévues par la loi afin de préserver certains intérêts considérés comme supérieurs.
Certaines exceptions sont communes au droit d’auteur et au droit sui generis, d’autres sont propres au seul droit sui generis ou au seul droit d’auteur.
Nota Bene 1. La liste des exceptions présentées ici n’est pas exhaustive. Il existe un grand nombre d’exceptions qui ne font pas l’objet de développement, telles que la représentation privée et gratuite dans un cercle de famille ou la consultation strictement personnelle pour des personnes atteintes de déficiences de certaines fonctions (motrices, physiques, sensorielles…), etc. Seules les exceptions concernant de près ou de loin les activités de recherche scientifique sont exposées.
Nota Bene 2. Les exceptions présentées comme des exceptions au droit d'auteur lorsque celui-ci a pour objet des bases de données, sont naturellement susceptibles de s'appliquer pour toute autre type d'œuvres protégées par le droit d'auteur.
Lorsqu’une base de données réalisée sur support papier est divulguée, l’auteur ou le producteur de la base ne peut pas s’opposer à la copie ou à l’extraction des données à des fins privées.
Lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, à l’exception notamment des copies ou reproductions d’une base de données électronique.
Les copies ou reproductions de bases de données y compris pour des fins privées, c’est-à-dire non commerciales, et non destinées à une utilisation collective, ne sont pas autorisées pour les bases de données électroniques, mais seulement sur les bases de données réalisées sur support papier.
Cette exception est fondée sur le droit sui generis visant à l’extraction à des fins privées qui ne trouve, également, à s’appliquer qu’aux bases de données réalisées sur support papier.
Lorsqu’une base de données a été mise à disposition du public, il est possible de réutiliser son contenu à des fins d’illustration dans le cadre de la recherche.
Cette exception a été adoptée par le législateur français en 2021 à la suite de l’adoption de la Directive n° 2019/1518 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique (DAMUN) et de l'ordonnance n° 2021-1518 du 24 novembre 2021, complétant la transposition de la Directive n° 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique
Il est possible de représenter et de reproduire une base de données originale à des fins d’illustration dans le cadre de la recherche. - Article L. 122-5, 3°, e) du Code de la propriété intellectuelle.
Plusieurs éléments conditionnent l'application de l'exception :
Lorsque la base de données a été mise à disposition du public, le titulaire du droit sui generis ne peut interdire l’extraction et la réutilisation d’une partie substantielle du contenu de la base lorsque celui-ci est utilisé à des fins strictement d'illustration dans le cadre de la recherche. – Article L. 342-3, 4° du Code de la propriété intellectuelle
Plusieurs éléments conditionnent l'application de l'exception :
Sur le plan technique, le processus de fouille de textes et de données suppose la possibilité d’extraire et de collecter les données, de les nettoyer et de les transformer (ajout de métadonnées), puis de les stocker et de les analyser.
« Mise en œuvre d'une technique d'analyse automatisée de textes et données sous forme numérique afin d'en dégager des informations, notamment des constantes, des tendances et des corrélations »
- Article L. 122-5-3, I du Code de la propriété intellectuelle
« Toute technique d’analyse automatisée visant à analyser des textes et des données sous une forme numérique afin d’en dégager des informations, ce qui comprend, à titre non exhaustif, des constantes, des tendances et des corrélations ».
En droit français, le Code de la propriété intellectuelle prévoit les règles applicables à l’exception de fouille de textes et de données :
Il existe deux exceptions :
Le régime juridique applicable est prévu par l’article L. 122-5-3, II du Code de la propriété intellectuelle.
L’exception de fouille de textes et de données à des fins de recherche scientifique nécessite de réunir quatre conditions :
a) Conservation des copies et la sécurisation des réseaux
La loi prévoit également une conservation des copies. En effet, les copies peuvent être « stockées avec un niveau de sécurité approprié et peuvent être conservées à des fins de recherche scientifique, y compris pour la vérification des résultats de recherche ». – Article L. 122-5-3, II, al. 3 du Code de la propriété intellectuelle
Les titulaires de droits d’auteur peuvent, en outre, mettre en œuvre des mesures destinées à assurer la sécurité et l’intégrité des réseaux et des bases de données. Ces mesures doivent être proportionnées et nécessaires. – Article L. 122-5-3, II, alinéa 4 du Code de la propriété intellectuelle
Il s’agit de prendre en compte le risque pouvant résulter du « nombre potentiellement élevé de demandes d’accès et de téléchargements », en garantissant par exemple que « seules les personnes ayant accès de manière licite à leurs données puissent y accéder, notamment sur la base de la validation de leur adresse IP ou de l'authentification de l'utilisateur ». – Considérant 16 de la Directive n° 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique
b) Finalité de recherche scientifique
L’expression « recherche scientifique » s’entend « comme couvrant à la fois les sciences naturelles et les sciences humaines ». – Considérant 12 de la Directive n° 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique
c) Accès licite à la base de données
L’accès licite couvre « l’accès à des contenus fondé sur une politique de libre accès ou en vertu d’arrangements contractuels », tels que les abonnements souscrits par les organismes de recherche ou les institutions du patrimoine culturel ou « en vertu d’autres voies légales ». – Considérant 14 de la Directive n° 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique
Même si la directive ne prévoit pas de compensation financière pour le titulaire des droits sur la base de données, il n’en demeure pas moins que dans la pratique, l’exigence d’accès licite conduit le plus souvent à l'application d'une rémunération contractuelle.
d) Réalisation de copies ou reproductions numériques d’œuvres
Les œuvres concernées par l'acte de copie ou de reproduction numérique sont les données contenues dans les bases de données dans lesquelles la fouille est réalisée.
L’article L. 342-3, 6° du Code de la propriété intellectuelle applicable au droit sui generis des bases de données précise que les « copies ou reproductions numériques d’œuvres s’entendent des extractions, copies ou reproductions numériques de bases de données ».
L'article L. 122-3 du Code de la propriété intellectuelle applicable au droit d'auteur définit la reproduction comme « la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte ».
C’est donc la reproduction des données sur un ou plusieurs supports et la possibilité de communiquer l’œuvre au moyen de ces supports qui est visée.
a) En droit européen
Les bénéficiaires de l’exception sont les organismes de recherche et les institutions du patrimoine culturel.
Notion d'"organisme de recherche"
Il n’est pas nécessaire que l’entité soit publique, dès lors qu’elle répond à une condition générale et deux conditions alternatives :
La mission de service public peut se traduire par un financement public ou par des dispositions dans les législations nationales ou les marchés publics. De même, l’influence déterminante d’une entreprise commerciale peut se concrétiser par la qualité d’actionnaire ou d’associé.
Par ailleurs, le considérant 11 de la Directive n° 2019/790 ouvre expressément la voie aux partenariats public-privé et le considérant 12 de la Directive n° 2019/790 y inclut les hôpitaux qui font de la recherche.
Le considérant 13 de de la Directive n° 2019/790 y inclut entre autres « les bibliothèques nationales et les archives nationales et, dans la mesure où leurs archives et leurs bibliothèques accessibles au public sont concernées, les établissements, d’enseignement, les organismes de recherche et les organismes publics de radiodiffusion ».
b) En droit interne
Dans la loi nationale seuls les organismes de recherche sont visés, sans qu’ils ne soient pour autant définis. – Article L. 122-5-3, II du Code de la propriété intellectuelle
La loi ne reprend pas la notion générique d’institution du patrimoine culturel mais reprend en partie l’énumération de la directive :
En revanche, cette disposition n’est pas applicable lorsqu’une « entreprise, actionnaire ou associée de l'organisme ou de l'institution diligentant les fouilles, dispose d'un accès privilégié à leurs résultats ». – Article L. 122-5-3, II 2° du Code de la propriété intellectuelle
« Documents publics produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission ».
- Article L. 300-2 du Code des relations entre le public et l’administration
Une administration ne peut faire valoir ses droits de propriété intellectuelle qu'elle détient sur une base de données pour empêcher ou limiter sa réutilisation.
Il s’agit d’une limite importante de l’exercice des droits de propriété intellectuelle sur les bases de données publiques qui ne résulte pas des dispositions du Code de la propriété intellectuelle relatives aux exceptions du droit d'auteur (article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle) ou aux exceptions du droit sui generis à (article L. 342-3 du Code de la propriété intellectuelle).
Il faut se référer à l’article L. 321-3 du CRPA qui prévoit que les administrations ne peuvent faire obstacle à la réutilisation du contenu des bases de données que ces administrations publient en application de l’article L. 312-1-1, 3° du CRPA en invoquant le droit sui generis des bases de données (v. Données publiques).
« Les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission ».
- Article L. 300-2 du Code des relations entre le public et l’administration
Ainsi, les administrations ne peuvent pas invoquer les dispositions du Code de la propriété intellectuelle relatives au droit d’auteur ou au droit sui generis pour faire obstacle à la réutilisation des données publiques.
L’auteur d’une base de données ne peut interdire aux organismes dépositaires, comme les institutions publiques de recherche de :
– Article L. 132-4 du Code du patrimoine
Les bénéficiaires de cette exception sont les organismes dépositaires qui, en vertu de leurs statuts et moyens scientifiques, peuvent garantir le respect des objectifs définis à l’article L. 131-1 du Code du patrimoine.
Ainsi, les organismes de recherche et les établissements d’enseignement sont concernés s’ils disposent d’une bibliothèque accessible au public – Lucas A., « Droit des auteurs. Droits patrimoniaux. Exceptions au droit exclusif. Étude analytique des exception », JCl. Civil Annexes, 2024, Fasc. 1249, n° 163.
L’exception de conservation concerne certaines catégories d’œuvres énumérées à l’article L. 131-2 du Code du patrimoine, et notamment :
L’exception de conservation est prévue, pour le droit d'auteur, aux articles L. 122-5, 8° du Code de la propriété intellectuelle et, pour le droit sui generis, à l'article L. 342-3, 5° du Code de la propriété intellectuelle.
L'exception de courte citation est fondée sur la liberté d'expression en ce qu'elle permet à des tiers de citer un extrait d'une œuvre d'un auteur sans avoir à lui demander d'autorisation. L'exception de « courte citation » est néanmoins conditionnée dans son exercice.
Ainsi, « [l]orsque l'œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire : (...) a) Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées ».
L'exception ne peut donc jouer qu'à condition :
Selon l'article L. 122-5, 3° du Code de la propriété intellectuelle, « [l]orsque l'œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire : (...) 12° La représentation ou la reproduction d'extraits d'œuvres à des fins exclusives d'illustration dans le cadre de l'enseignement et de la formation professionnelle, dans les conditions prévues à l'article L. 122-5-4 ».
Cette exception bénéficie aux enseignants qui dispensent des cours ou conférences aux élèves, étudiants et différents types d'apprenants inscrits en formation professionnelle. Selon la directive n° 2019/790 dont est issue l'exception (qui existait auparavant mais qui fait ainsi l'objet d'une réforme), l'exception doit pouvoir bénéficier « à tous les établissements d'enseignement reconnus par un État membre, notamment les établissements d'enseignement primaire et secondaire, de formation professionnelle et d'enseignement supérieur » (Considérant 20).
L'article L. 122-5-4 du Code de la propriété intellectuelle prévoit ensuite que : « la représentation ou la reproduction d'extraits d'œuvres peut être réalisée sans autorisation des auteurs à des fins exclusives d'illustration dans le cadre de l'enseignement et de la formation professionnelle, y compris l'apprentissage, et pour l'élaboration et la diffusion de sujets d'examens ou de concours organisés dans le prolongement des enseignements, à l'exclusion de toute activité à but récréatif et dans la mesure justifiée par le but non commercial poursuivi ».
Plusieurs éléments conditionnent l'application de l'exception :
Notion d'"extrait" selon les accords sectoriels
La notion d'« extraits » a été précisée par les accords sectoriels conclus entre le ministère de l'Éducation nationale et certains organismes de gestion du droit d'auteur.
Plusieurs accords ont ainsi été conclus :
En premier lieu, le droit sui generis bénéficie d’une exception selon laquelle le producteur de la base de données ne peut interdire « l’extraction ou la réutilisation d’une partie non substantielle, appréciée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base, par la personne qui y a licitement accès ». – Article L. 342-3, 1° du Code de la propriété intellectuelle
Ainsi, un utilisateur légitime a le droit d’extraire ou de réutiliser pour ses besoins propres des parties non substantielles de la base de données.
La loi prévoit également que toute clause contractuelle qui tenterait de restreindre cette liberté est nulle, empêchant ainsi le producteur de la base de données d’imposer des restrictions contraires.
Cette exception s’applique exclusivement aux utilisateurs qui accèdent légitimement à la base de données, que cet accès soit librement offert ou autorisé par contrat. L’accès à la base doit donc être licite.
L’article L. 342-3 du Code de la propriété intellectuelle précise en effet qu'« est nulle toute clause par laquelle le producteur prétendrait limiter cette liberté d’extraire et de réutiliser des parties non substantielles ».
Toutefois, lorsque la base de données ne répond pas aux conditions de la protection du droit sui generis le producteur de la base est libre de limiter contractuellement l’accès à la base par contrat.
Le droit sui generis bénéficie également d’une exception d'illustration à des fins pédagogiques, mais formulée différemment de celle propre au droit d'auteur.
Cette exception interdit au titulaire du droit sui generis d’interdire « l’extraction et la réutilisation d'une partie substantielle, appréciée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base à des fins exclusives d'illustration dans le cadre de l'enseignement et de la formation professionnelle, dans les conditions prévues à l'article L. 122-5-4 », à condition que la base de données ait été, au préalable, mise à la disposition du public par le titulaire des droits.
« L'extraction et la réutilisation d'une partie substantielle, appréciée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base à des fins exclusives d'illustration dans le cadre de l'enseignement et de la formation professionnelle, dans les conditions prévues à l'article L. 122-5-4. Pour l'application de cet article, l'auteur s'entend du bénéficiaire des droits et la représentation et la reproduction d'extraits d'œuvres s'entendent de l'extraction et de la réutilisation d'une partie substantielle d'une base de données ».
Plusieurs éléments conditionnent l'application de l'exception :
– Article L. 342-3, 4 bis du Code de la propriété intellectuelle